Jour : 16 février 2025

  • HAZARASHEN ou « Là où la lumière traverse le toit… »

    HAZARASHEN ou « Là où la lumière traverse le toit… »

    HAZARASHEN
    ou
    « Lorsque la lumière descend par l’ouverture du toit… »

    Dans les récits antiques de la création, la victoire de la Lumière sur les Ténèbres occupe une place centrale.

    À l’occasion des discussions sur les théories de la formation de l’Univers et de la Vie, Yeznik Koghbatsi (Ve siècle), dans son ouvrage « Réfutation des sectes », évoque la doctrine épicurienne de l’« Univers Éternel et Autogène », et décrit comment la lumière d’un rayon, entrant par une ouverture, éclaire la fine poussière en suspension, illustrant ainsi le commencement de la Création.

    (338) Quant aux épicuriens, ils considèrent le monde comme entièrement autogène, expliquant que, primitivement, des particules de poussière flottaient, à l’image de celles qui apparaissent dans un rayon de lumière pénétrant par une lucarne. Ils affirmaient ainsi que les premiers éléments étaient des corps indivisibles et insécables, et que c’est par leur agglomération progressive que le monde s’était formé de lui-même, sans l’intervention d’un Dieu ni d’aucune Providence gouvernant le monde.

    Hazarashen (Photographie de Samvel Karapetyan)

    Dans les différentes régions du Haut-Plateau arménien, depuis l’Antiquité, les habitations et les édifices cultuels possédaient leurs propres sources d’éclairage naturel : les « Loysijots », ou « Lusantsuyts », autrement dit les ouvertures zénithales (yerdik). Selon les circonstances, ces ouvertures étaient recouvertes à l’extérieur d’une couche imperméable de végétation et de terre, tandis que dans les temples païens, elles étaient dotées d’un obturateur spécial, manœuvré de l’intérieur à l’aide d’une longue perche.

    L’un des exemples les plus remarquables est le Hazarashen, une structure impressionnante composée de milliers de pièces de bois, formant une superposition de poutres courtes ou de rondins disposés en cadres polygonaux et rétrécissant progressivement vers l’ouverture centrale.

    Outre son rôle dans l’éclairage et la ventilation, le yerdik symbolisait également la maison, ses habitants, la famille, le foyer et la fumée du foyer.

    Les chroniqueurs arméniens (Yeznik, Agathange, Buzand…) et plus tard d’autres historiens ont utilisé le comptage des yerdik—ou recensement des fumées—comme méthode pour estimer la population. Ainsi, Buzand écrivait : « Vingt mille foyers arméniens ».

    Les habitations traditionnelles arméniennes possèdent des toits en dôme dont l’origine remonte à l’Antiquité. Ces toits étaient construits selon deux techniques principales reposant sur une structure en bois.

    La première, plus simple et rudimentaire, consistait en un assemblage de poutres posées parallèlement aux murs de la maison et se rétrécissant progressivement vers l’ouverture centrale du toit (yerdik). L’espace entre ces poutres était comblé par des planches de bois brut fendues.
    Ce type de toiture était particulièrement répandu dans les régions du nord-est et dans les villages de la vallée du Çoruh et du Karabagh, où le bois de construction était relativement abondant.
    On le retrouve sous plusieurs appellations : kondatsatsk, soghomatsatsk, soghomashen, mais le plus souvent sous les noms de gharnavouch et gharnaghouch.

    La seconde technique, plus élaborée, reposait sur une structure en bois composée de poutres courtes ou de chevrons formant un polygone qui se resserrait progressivement vers l’ouverture centrale.
    Ce type de toiture était privilégié dans les régions où le bois était rare et les précipitations abondantes, notamment en Haute-Arménie. Il est connu sous le nom de Hazarashen ou Hazarashenk.
    Ce terme était couramment utilisé par les habitants de Kars, Bayazet, Bulanikh, Basen, Mush, Alashkert, Sébaste, Bayburt, Derjan, Sassoun, Leninakan, Akhalkalak, Akhaltsikh et dans d’autres localités proches de ces régions.

    En fonction des régions, le hazarashen est aussi appelé dastatsatsk (notamment à Ghukasyan et dans certains villages de Leninakan), soghomakash (à Yeghegnadzor, Lori et Shabin-Karahisar), Soghomakagh (à Alaverdi) ou encore syurmakash et shushatsatsk ailleurs.

    Ces différentes appellations sont souvent employées de manière interchangeable, ce qui peut prêter à confusion. Cette diversité de noms s’explique par les migrations et réinstallations successives des populations arméniennes au fil des siècles.


    Parmi toutes ces appellations, c’est Hazarashen qui est resté le plus répandu et le plus fidèle à son origine. Son nom vient du fait que cette toiture était construite avec « des milliers » de morceaux de bois.
    (Citation extraite de l’étude de S. V. Vardanyan, Hazarashen et son rôle dans l’architecture arménienne).

    Depuis les anciens temples arméniens, où la lumière du Soleil illuminait la statue de la divinité, jusqu’aux premières habitations dotées d’une ouverture centrale (yerdik) et d’un foyer, en passant par les palais du Moyen Âge et les bâtiments modernes, Hazarashen a traversé les siècles en incarnant une quête d’élévation, orientant toujours notre regard vers le haut, vers la Lumière immaculée…

    Le plafond de la salle d’exposition du Musée ethnographique, conçu dans le style Hazarashen.
    Photo de N. Chilingaryan.

    Au Musée ethnographique de Sardarapat.

  • « Trndez, vois la puissance de la braise,Sème une seule graine, récolte-en mille. »

    « Trndez, vois la puissance de la braise,Sème une seule graine, récolte-en mille. »

    « Trndez, vois la puissance de la braise,
    Sème une seule graine, récolte-en mille. »

    La fête de Trndez, qui symbolise le Feu Créateur réchauffant la Terre et les Hommes, est une célébration du feu. Comme l’explique le prêtre Harout Arakelyan, selon le calendrier sacré haykien, elle est observée le jour de Hrant du mois de Hrotits (le 15 février) à travers des rites uniques visant à accompagner le passage de l’hiver au printemps.

    Tout comme la fête de Barekendan, célébrée à la même période et suivant une logique similaire, Trndez a une signification rituelle liée à l’éveil prochain de la nature. Elle célèbre l’arrivée d’une nouvelle année agricole prospère et abondante, accompagnée de rites destinés à assurer la fertilité et la fécondité.

    L’homme étant une partie inséparable de l’Univers et de la Nature, l’épanouissement de la nature annonçait et encourageait également de nouvelles unions et la croissance des familles.

    « Le feu de la fête est apporté par les prêtres depuis la flamme inextinguible de l’Atarshan brûlant dans les temples, où ils lui confèrent une puissance magique à travers des rites.
    À la fin de la célébration, les participants ramènent cette même flamme chez eux pour allumer leur foyer, leur four (aujourd’hui sous forme de bougies) », explique le prêtre Harout Arakelyan.

    Une description de la fête de Trndez telle qu’elle était célébrée par les Arméniens de Kharberd et de ses environs, d’après Youshamatean :
    « Elle a lieu en février. Le soir, à Kharberd, Hiuséinik et Mezireh, les Arméniens allument des feux sur les toits des maisons. De grands tas de branches brûlent pendant deux ou trois heures, tandis que les jeunes filles et garçons dansent en cercle autour du feu et chantent, certains sautant même par-dessus les flammes.
    Dans les villages alentour, Melèt (Trndez) est célébré avec faste.
    D’abord, une messe est célébrée en soirée, puis les villageois, bougies allumées, se dirigent vers leurs quartiers respectifs pour allumer le bûcher.
    Dans certains villages, un seul feu est allumé dans la cour de l’église. À Barchandj (Berdjentch/Akchakiraz), c’est la personne ayant fait la plus grande donation à l’église ce jour-là qui a l’honneur d’allumer le brasier. Après cette flambée solennelle, la population regagne ses foyers, bougies à la main, et la fête se poursuit sur les toits.
    Chaque famille allume alors un petit feu et continue à chanter et danser. Comme combustible, on utilise souvent du tsrdeni (une variété d’arbuste).

    Le jour de Melèt (Trndez), les jeunes participent avec enthousiasme à la collecte de bois.
    Les cendres du bûcher sont également considérées comme ayant un pouvoir protecteur : les villageois les dispersent sur leurs toits pour éloigner les scorpions et serpents en été, ainsi que dans les étables, poulaillers, granges, champs et vignobles, croyant que Melèt (Trndez) apportera fertilité et abondance.

    Dans le village de Datem, Garib Shahbazian rapporte que la tradition de Melèt (Trndez) impose une exigence stricte aux hommes nouvellement mariés :
    Ils doivent apporter une grande quantité de bois à l’église et le déposer à son seuil.
    S’ils manquent à ce devoir, Shvot (l’esprit malveillant) risque de s’abattre sur eux et de leur enlever leur jeune épouse.

    Réchauffés par le feu sacré du bûcher, qui accorde fertilité aux champs et bénédiction aux jeunes mariés, les villageois expriment encore aujourd’hui leurs souhaits et prières :
    « Que nos poules pondent, que nos vaches donnent du lait, que nos jeunes mariées enfantent »…

    Les chants arméniens dédiés aux jeunes époux et aux amoureux résonnent encore et résonneront toujours lors de Trndez :

    Jeune fille, ton nom est Vardanouch,
    Tu es belle, ton baiser est doux,
    Donne-moi un baiser, que pourrait-il arriver ?
    Ni il ne s’use, ni il ne vieillit.

    Ô Gourgen, Gourgen, tu as trop parlé,
    Mais tu n’as pas dit l’essentiel.
    Aimer un jour, c’est une folie,
    Soupirer d’amour, c’est un tourment.

    Ô jeune fille, Vardanouch,
    Je porte ton fardeau,
    Je taille pierre et roc,
    Et je te rends heureuse.

    L’amour sied à celui qui aime,
    Ce vin, à celui qui sait le savourer.

    Nous remercions Kourm Harout Arakelyan pour cette photo