« Le récit de la fleur Hamaspyur » ou « Le mystère de la fleur »

Ուպան (Laserpitium)

Les contes sont le reflet fascinant de la pensée nationale. Souvent inspirés d’anciens mythes, ils ont traversé les générations sous forme de récits merveilleux ou réalistes, transmis oralement.

Remplis de symboles et d’allégories, ces récits sont une véritable source de sagesse accumulée au fil des millénaires, où subsistent également les traces de nombreux rites et traditions.

Depuis des temps immémoriaux, ces contes reflètent de manière imagée l’évolution de la pensée humaine.

On y retrouve également des scènes rituelles marquées par l’importance magique accordée aux perles et aux coraux, ainsi qu’aux propriétés mystiques de certaines pierres et fleurs, dont les descriptions sont soigneusement consignées (comme nous l’avions mentionné dans « Les perles de Shamir dans la mer »).

Par ailleurs, les recherches scientifiques actuelles confirment que certaines pierres naturelles ont un impact positif ou négatif sur le corps humain.

Nos ancêtres percevaient le feu issu de la magie solaire – qu’il soit produit par le frottement du silex ou par la concentration des rayons du soleil à l’aide d’un miroir – comme un puissant symbole du lien entre le Feu céleste et le Feu terrestre.

Ces croyances ont laissé leur empreinte dans de nombreux contes.

Parmi les récits merveilleux transmis par nos ancêtres, l’histoire d’une fleur extraordinaire nommée « Hamaspyur » occupe une place particulière.

Dans le Dictionnaire explicatif de l’arménien de S. Malkhassian, elle est décrite comme suit :
« Elle produit douze branches, chacune portant une fleur d’une couleur différente. Elle redonne la vue aux aveugles, et son parfum confère force et énergie. »

Dans le Dictionnaire des dialectes arméniens (Érévan, 2001), son équivalent dans le dialecte de Van est appelé « Khambek ».

À Erevan, au Matenadaran de Mésrop Machtots, neuf manuscrits anciens se distinguent parmi des milliers d’autres, car ils conservent une légende fascinante sur la fleur magique Hamaspyur, intitulée « Histoire de la fleur Hamaspyur » ou « À propos de la fleur » (également connue sous le nom de Hamaspran).

Il y a plusieurs décennies, en examinant ces manuscrits, S. Avdalbegyan écrivait :
« Ce récit décrit en détail les pouvoirs miraculeux attribués à cette fleur. »

Le récit évoque une fleur aux propriétés extraordinaires :

« Si tu la portes à ton oreille, tu comprendras toutes les langues humaines et celles des animaux. Si tu la portes à ton nez, tu sentiras un parfum céleste. Si tu la poses sur ta langue, tu pourras parler toutes les langues et enseigner la sagesse. Si tu la touches du bout des doigts, tu maîtriseras tous les arts et métiers. Et bien d’autres prodiges lui sont attribués… »

Dans la 26ᵉ parabole de Mkhitar Gosh, une autre version du mythe décrit la fleur Hamaspran comme étant choisie parmi toutes pour ses propriétés uniques :

« Elle guérit les malades, donne une vision perçante, permet de marcher sur l’eau et confère la sagesse aux ignorants. »

Dans son poème « Éloge des fleurs », le poète David Saladzortsi (XVIIᵉ siècle) décrit une créature fascinante :

« Le roi des serpents, blanc comme neige,
Suit la trace de la Hamaspyur et puise sa force dans son parfum. »

La légende raconte que le roi-serpent, dont le regard brûle et anéantit ses ennemis, obtient sa puissance de cette fleur sacrée.

Dans son ouvrage « Ancienne foi ou religion païenne des Arméniens », Ghevond Alishan fait également référence à la Hamaspyur et la compare aux plantes sacrées mentionnées dans les manuscrits médiévaux.

Selon Mkhitar Heratsi, médecin du Moyen Âge :

« Elle possède une racine unique, douze branches, et chaque branche porte une fleur d’une couleur différente. »

Sa cueillette devait se faire de nuit, car elle brille davantage dans l’obscurité.

D’un point de vue botanique, cette description semble correspondre aux Lychnis orientalis, observés et décrits par Tournefort.

Enfin, Pline l’Ancien rapporte que l’Arménie était autrefois réputée pour ses plantes médicinales, dont certaines étaient très prisées à Rome.

L’upane et la hamaspyur, autrefois considérées comme des plantes de vie, furent exportées en masse d’Arménie avant de disparaître complètement du paysage botanique arménien.

La hamaspyur, selon Mkhitar Gosh, est une fleur du monde, qui libère de la mort, confère sagesse et force, et accorde même la capacité de marcher sur l’eau.

Les poètes arméniens, tels que David Saladzoretsi et Minas Tokhattsi, l’ont célébrée en ces termes :

« Elle est la fleur des fleurs, aux mille couleurs,
Qui rend la vue aux aveugles,
Possède douze racines et ne fleurit qu’une fois tous les douze ans…
Son parfum enivre même les anges. »

Cette fleur sacrée pousse sur des hauteurs inaccessibles : le Mont de l’Amour, le sommet de Makhput, les montagnes de Darounik, Bard, Massis, et d’autres lieux mythiques.

On raconte que la hamaspyur et le balsam Navrouz sont protégés par Shahmar, le serpent-roi, dont la puissance provient du parfum envoûtant de la fleur.

Dans la symbolique arménienne, la hamaspyur est assimilée à l’arbre cosmique, qui relie la terre et le ciel. Son apparition rare, son éclat et ses pouvoirs font écho à des mythes universels où l’ordre cosmique est perpétuellement menacé par le chaos.

Selon Tamar Hayrapetyan, les plantes médicinales comme la hamaspyur, le loshtak et le fenna étaient vénérées en raison de leurs vertus curatives, laissant une profonde empreinte dans la culture populaire arménienne.

L’écrivain Hovhannes Toumanian percevait ces récits comme des gouffres profonds, mystérieux et infinis… pour d’autres, ils sont comparables à un « jardin enivrant de parfums ».

Aujourd’hui, une seule plante survit encore dans la tradition des initiés comme fleur de jouvence : l’Astragale, dont les variétés jaunes et violettes sont encore utilisées en phytothérapie.

🌿 Que vos jours soient emplis de senteurs florales… 🌸

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