«À tous nos héros, tombés pour la patrie arménienne.»…
« Des milliers de volontaires arméniens, venus de diverses régions du monde, ont participé à la Première Guerre mondiale, combattant bravement sur tous les fronts. Leurs actes de bravoure restent encore inconnus de nombreux individus.
Le 12 février 1919, lors de la Conférence de la Paix à Paris, un mémorandum commun signé par Avetis Aharonian et Boghos Nubar a été soumis, mettant en avant le rôle de la nation arménienne comme ‘belligérante’. Ce document plaidait pour la reconstitution d’un État arménien indépendant, en délimitant son territoire, incluant les sept vilayets de l’Arménie occidentale (y compris Trébizonde, la seule voie de sortie significative pour la Haute-Arménie vers la mer Noire), ainsi que l’unification de la République d’Arménie et de la Cilicie.
‘L’Arménie a gagné son droit à l’indépendance grâce à sa participation active et volontaire sur trois fronts : le Caucase, la Syrie et la France’, stipulait ce mémorandum. »
« LE VOLONTAIRE » (Avetis Aharonian)
À tous nos héros tombés pour la patrie arménienne…
Qu’est-ce qu’un volontaire ?
Il n’est pas qu’un soldat ; il est bien plus.
C’est une volonté de fer, les dents serrées face à la malédiction de la vie.
Il ne naît ni ne meurt.
Il est éternel, comme la souffrance, et indestructible, comme la flamme sortie des forges brûlantes de la raison.
Prométhée est le premier volontaire.
Il a eu pitié de l’humanité misérable, errant dans l’obscurité et le froid, et a bravé la colère des dieux cruels pour voler le feu céleste et bénir l’âme du monde avec lumière et chaleur.
Puis, cloué au rocher par la fureur des dieux, il a laissé les aigles déchirer son foie, sans un seul soupir.
Le volontaire ne connaît pas la plainte, car sa volonté est une lutte sans fin pour l’auto-destruction, infinie et invulnérable.
Ne blessez pas la terre-mère par la violence.
Malheur à vous si sa douleur, mêlée à sa sueur, s’élève des abîmes pour troubler les rayons justes du soleil !
Pourquoi cet agriculteur, pensif et sérieux, s’est-il arrêté ?
Il scrute les vastes champs au loin, et le vent fouette son front sévère.
Le chant du labour s’est tu ; les bœufs soufflent dans le sillon.
Pour qui laboure-t-il ?
Pourquoi ce jeune berger blond, penché sur le sentier, s’est-il soudain redressé ?
Il oublie son troupeau, et son regard rêveur scrute les brumes sur les pentes des montagnes.
Il écoute attentivement. Qui attend-il ?
Hier, trois agneaux ont disparu de son troupeau.
Il entend le mugissement de sa vache.
Un voyageur solitaire passe par des vallées sombres et tristes.
Son âme, ouverte aux vents comme une fleur à l’aube, murmure doucement à son cheval :
‘Doucement, mon âme, ralentis tes pas, la vallée est traîtresse.’
Dans le silence docile des foules inclinées, une cloche mystérieuse sonne toujours avec une cadence puissante et régulière.
Le voyageur, le berger, l’agriculteur et même le soleil tendent l’oreille.
Ne profanez pas la terre-mère par la violence.
Malheur à vous, dans ses entrailles, la douleur de la maternité se tord.
C’est l’alarme d’un ouragan.
Les âmes ont bu du feu. »
Dans le silence, une cloche résonne et, sous le toit d’une cabane lointaine, la baratte va et vient. La vieille mère gémit doucement.
Elle a fait un rêve la nuit dernière.
Qui menace son enfant bien-aimé ?
Ses larmes tombent sur la baratte, goutte après goutte.
Un aigle plane au-dessus du laboureur.
Le berger lève le poing vers le ciel.
Le voyageur solitaire inspecte la vallée, cette vallée trompeuse.
Pleure, mère, ah ! tes larmes sont versées pour le monde entier.
Les agneaux ont été emportés, et dans les champs, la vache sans veau pousse des mugissements.
La baratte va et vient, et dans la cabane lointaine, une mère pleure.
Elle a fait un mauvais rêve la nuit dernière.
L’armée des conquérants, masse humaine grise, dressée sous le fouet de la loi implacable, est la malédiction de l’histoire.
Le volontaire est la conscience des nations.
Il déploie un voile de feu sacré sur la violence du champ de bataille, l’amour des champs blessés, et l’esprit des montagnes natales.
Face à l’oppression, il brandit son épée nue, tel un ange, et extorque le secret de la mort pour le lancer dans le tumulte des siècles.
Il est le seul maître de la forge de la liberté, et son œuvre est unique : briser les chaînes sous les coups victorieux de son marteau, toutes les chaînes.
Il forge la vie de mille générations en brûlant la sienne dans le feu cosmique.
Le volontaire est la conscience des nations !
La seule guerre juste est celle qui est menée pour la liberté de la patrie et de l’humanité.
Tous les grands bouleversements des nations sont l’œuvre des volontaires.
Toutes les légendes grandioses qui animent les idéaux de l’humanité sont l’œuvre des volontaires. Comme les torrents printaniers qui ravagent les montagnes, ils tracent des sillons profonds dans les pages de l’histoire.
Garibaldi et sa troupe sont un chant éternel, une rafale qui résonnera à travers les âges chaque fois que l’oppression et le mal s’abattront sur le monde.
Prométhée a arraché le feu du ciel… »
C’était il y a environ quarante ans que je l’ai vu pour la première fois, le premier volontaire arménien — c’était un jeune homme brun, solidement bâti, avec des sourcils noirs comme un nuage sombre et des yeux ardents comme du charbon.
Il est venu, a ouvert ma porte, a dit « bonjour », a pris un repos d’une nuit, tel un oiseau cherchant un nid, puis à l’aube, sans un mot, il s’en est allé vers les montagnes sombres de Bardogh.
Les volontaires n’aiment pas parler.
Ils sont toujours silencieux, comme la pâle Némésis.
Il est parti et n’est jamais revenu.
Ils ne reviennent jamais, les volontaires.
Et s’ils reviennent, c’est pour repartir encore, jusqu’à… jusqu’à ce qu’ils tombent sous une pierre…
Et il est parti, ce jeune brun.
C’était Goloshean…
Il est tombé dans la gorge de Chukhur.
Ensuite ?
… Ensuite, la conscience douloureuse du peuple souffrant s’est épaissie et a éclaté comme une tempête.
Une cloche mystérieuse sonnait d’une manière terrible et fascinante, résonnant au-dessus du despotisme qui régnait au-delà des montagnes.
Et depuis trente ans, au-delà et en deçà des frontières, notre terre blessée et en sueur a jailli de ses entrailles justes des géants, des jeunes hommes robustes et courageux qui ont marché l’un après l’autre sur le dragon niché dans nos montagnes.
La douleur de nos mères a agité l’âme de leurs fils.
Le berceau en pleurs est le chant de guerre le plus puissant.
Les sanglots que l’on entend sur le lange, causés par la main de l’oppression, forgent l’armure du volontaire.
Des milliers sont partis à la suite des géants, partis et ne sont jamais revenus.
Sous quelle pierre, dans quelle vallée rêvent-ils du pays natal ? »
Et le courage accumulé pendant trente ans d’insurrection éclata comme un dragon dans les vallées de Gharakilisa, sur les plaines de Sardarabad et dans les batailles d’Arara, s’élevant avec un rugissement.
« Tu ne passeras pas. Ici, notre esprit est un rempart de granit ! »
Quelle attaque, quelle bravoure… À Gharakilisa, quatre mille héros ont anéanti l’arrogance des hordes turques par leur mort.
Et à Sardarabad, là où les vagues de l’Araxe observaient des milliers d’années, le volontaire arménien fit plier l’antique ennemi.
Et à Arara, une poignée d’Arméniens courageux surprit les nations étrangères et ingrates par leur dévouement.
Gharakilisa, Sardarabad et Arara resteront à jamais des monuments indestructibles, où le peuple arménien blessé et méprisé a de nouveau laissé son empreinte indélébile dans le grand livre de l’histoire universelle, celle de ses vertus militaires anciennes.
La vieille mère est morte depuis longtemps. Elle ne rêve plus.
La baratte vide va et vient sous le souffle du vent.
La jeune épouse, en proie à une rage et à une douleur insensées, a abandonné sa voile aux vents, essuyé ses larmes, et a étendu son âme sur son ventre fertile, où son enfant frémit.
La forêt de chênes majestueux a été abattue par la tempête dévastatrice, mais les pousses s’élèvent à nouveau vers le soleil.
Et à travers toute la terre arménienne, dans chaque montagne, chaque vallée, chaque cabane, qu’elle soit en ruines ou habitée, vit la légende puissante, l’histoire infinie de ceux qui sont partis et de ceux qui arrivent…
Qui pourrait jamais nous arracher notre légende dorée — notre patrie libre ? »