«Et ils l’honorèrent royalement»…
La majorité des cérémonies rituelles chrétiennes d’aujourd’hui dérivent d’anciens rites qui, au fil des siècles, ont changé de signification (comme, par exemple, l’office matinal quotidien au lever du soleil, l’office de l’Aurore, la cérémonie de l’Antasdan avec la bénédiction des quatre coins du monde, les fêtes traditionnelles comme le Dimanche des Rameaux, le Vardavar et d’autres, les saints et martyrs, héros de la foi qui servent de modèles pour les croyants, la canonisation et la louange des patriarches de l’Ancien Testament, divers hymnes à la mémoire des « Personnes Consacrées », les offrandes, les processions solennelles en habits liturgiques des prêtres pendant les différentes fêtes, l’aspersion d’eau de rose sur les fidèles).
Dans certaines cérémonies rituelles actuelles, on observe clairement la persistance de la tradition ancienne des « précurseurs » annonçant la marche royale, reliée au culte des ancêtres. Ce point a été évoqué par le célèbre ethnographe, archéologue et folkloriste arménien Yervand Lalayan (1864-1931) dans son étude sur l’origine des « rites cérémoniels », dont nous reproduisons un extrait ci-dessous.
Les patriarches et rois arméniens étaient vénérés par le peuple arménien, à la fois de leur vivant et après leur mort. Cadmos appelle Haïk « le grand héros », affirmant qu’après sa mort, il est devenu la constellation d’Orion. Vahagn a conquis l’amour ardent des chanteurs arméniens. On attribuait une origine divine aux rois arsacides, et leurs statues, que Vagharchak avait érigées à Armavir à l’image de ses ancêtres, puis transférées à Bagaran, et ensuite à Artachat, furent brisées par le roi sassanide Artashir (d’après Moïse de Khorène, livre II, chapitre 38).
En plus des grands prêtres, les catholicos eux-mêmes ont pris en charge l’organisation des rituels en l’honneur des rois, comme le révèlent les paroles suivantes de Faustus de Byzance : « Et (Nersès le Grand) a établi les rituels royaux avec la plus grande piété, comme il les avait observés chez les anciens rois » (Faustus de Byzance, livre V, chapitre I).
Les structures sociales encore peu différenciées montrent clairement que le culte des dirigeants vivants et morts était similaire. Parmi les peuples primitifs, c’était souvent le chef lui-même qui racontait ses propres exploits et ceux de ses ancêtres, et les inscriptions égyptiennes et assyriennes démontrent que cette pratique a persisté longtemps. Par la suite, lorsque le chef n’était pas éloquent, il confiait à d’autres le soin de le glorifier. De cette manière, il est devenu courant que des individus précèdent les dirigeants, les louant et chantant leurs mérites, tout comme ils célébraient les dirigeants morts et divinisés.
Ce même phénomène s’est également produit chez les Arméniens, comme le montrent les vestiges suivants : Agathange (chapitre XCIV) mentionne les noms des seigneurs que Tiridate envoya pour ramener les fils de Grégoire l’Illuminateur, et précise que le troisième seigneur était « Dat, chef de la marche royale ». Il est donc clair que les rois arméniens avaient aussi des chefs de procession qui annonçaient leur présence au peuple.
Jusqu’à aujourd’hui, lors des processions du catholicos, un prêtre portant une croix marche en tête, et quand il approche de l’église, des prêtres et des chorales le précèdent, le louant par des hymnes. C’est le même principe que dans une procession religieuse, où quelqu’un marche en tête avec le crucifix, suivi de prêtres chantant des hymnes en l’honneur d’une icône ou d’une relique.
Nous observons la même chose dans les cérémonies de mariage. Quand le roi (le marié, selon K. A.) revient de l’église à sa maison, un homme appelé « renard » court devant lui, annonçant son arrivée, le glorifiant ainsi que la reine (la mariée, selon K. A.) (tiré de Y. Lalayan, Ethnographie, Les rites, page 177).
C’est pour cela que, durant le mariage, le « roi » — le marié — était honoré avec des « cérémonies grandioses dignes de la royauté »…
Selon le témoignage de Plutarque à propos de Tigrane le Grand, roi des rois : « De nombreux rois se trouvaient à ses côtés, qu’il avait relégués au rang de serviteurs, et parmi eux, il gardait constamment quatre rois près de lui, en tant que compagnons ou gardes du corps. »