Avec la sagesse que les années apportent, chaque personne, enrichie et mûrie, est mystérieusement attirée vers ses racines, vers les sources de son peuple… ce monde où son essence et son individualité se sont formées, dans des couches conscientes et inconscientes.
L’élan vers la découverte de soi est le chemin vers la Lumière.
Le thème de la conscience nationale a été mis en avant par de nombreux artisans de la culture arménienne à travers le temps.
«Tout revient à sa source première pour recommencer», écrit Sero Khanzadyan, soulignant que «Chaque homme doit avoir son propre chant»…
«L’excommunication, l’exil de l’église, les sept années de pénitence et autres punitions n’ont pas réussi à éradiquer les croyances et conceptions païennes millénaires issues de l’antiquité, et elles ont perduré jusqu’à ces dernières décennies, comme l’ont documenté les ethnographes arméniens des 19e et 20e siècles dans plusieurs régions d’Arménie» (L. Khachikian, Travaux, vol. I, Erevan, 2012, p. 19).
«Depuis les lointains temps poussiéreux, j’aperçois les ruines de notre maison familiale, enfouie au sein de la forteresse de Dzagedzor, aussi ancienne que Babylone.
Je commence aussi à distinguer la fin embrumée de mon chemin de vie.
Le passé est devenu légende.
Leurs souvenirs m’appellent, jour et nuit.
Je m’empresse d’achever ce travail pour que ceux qui viendront après moi dans notre lignée puissent reconnaître l’esprit de nos héros ancestraux.
Personne ne doit perdre ses racines !
La lumière ne surgit pas du néant…»
De même que «le coursier vole tel un éclair sombre, retournant à ses origines pour se retrouver…» (S. Khanzadyan), la nation, comme si elle se réveillait d’un long sommeil forcé, cherche à retrouver ses origines et à se renforcer par la sagesse des ancêtres haïkiens et de leurs valeurs nationales authentiques.
«La survie de notre peuple réside uniquement dans la combativité», affirme S. Khanzadyan.
«Celui qui sait tenir tête au mal vivra», peut-on lire dans son autobiographie Avec et sans mon père (p. 310), où l’auteur tisse le «mythe de sa vie» à partir des «fils de la réalité», dans ce village où «la pierre est plus précieuse que l’hostie du Christ».
Là-bas, dans la caverne sacrée de Glkhatagh, le feu sacré allumé par le prêtre Ancav brûle jour et nuit. La grande aïeule, chaque soir, trace une croix sur le feu, y dépose un peu d’encens, et le ravive chaque matin.
«Je veux que vous sachiez que cette forteresse dans laquelle vous habitez était la demeure du patriarche Dzag» (p. 8).
«Mon père devenait peu à peu une figure mythique pour moi. Certains soirs, il nous réunissait, les jeunes et les vieux de notre clan, autour de la pierre d’Atian, et il chantait… Mon père avait une voix si douce qu’elle apaisait même la dureté des rochers de notre domaine» (p. 32).
«Sargis Djarrah, le chef de notre clan, était si vaillant, dit-on, qu’il pouvait faire tomber les oiseaux du ciel» (p. 22).
«Notre lignée, comme ma mère le disait, descendait de Dzag, le petit-fils du patriarche Sisak. De là vient le nom de notre village : Dzagedzor»…
«Dans notre foyer brûle le feu millénaire de notre maison ancestrale depuis deux mille ans» (p. 231)…
Entretien avec Sero Khanzadyan ci-dessous…